"Nous voulons sortir l'école vaudoise de l'ornière pédagogique dans laquelle elle s'enfonce." C'est ainsi que Pierre Tharin, président de l'Association vaudoise pour une école crédible présente la petite bombe lancée ce matin à Lausanne. Il s'agit d'une initiative populaire baptisée "Ecole 2010 - sauver l'école."
De guerre lasse, estimant que le Département de la formation, de la jeunesse et de la culture ne leur accorde aucune attention, trois associations (qui comptent au total un millier de membres) propulsent l'école dans le débat public et politique. En clair: une "école basée sur les connaissances". Pour les initiants, une école basée sur le maître (dite de "grand-papa") ou centrée sur l'élève (les pédagogies socioconstructivistes) sont dépassées.
Devant de nombreux journalistes, les problèmes dont souffre l'école vaudoise sont listés par le comité d'initiative:
- Un enseignement du français déficient depuis 1981
- Trop peu de références théoriques, d'exercices systématiques
- Des élèves aux certitudes et au bagage fragile et insuffisant, ce qui se voit au moment de passer au secondaire II
- Une organisation de l'école par cycles de deux ans, où les élèves sont livrés à eux-mêmes pour la gestion de leurs apprentissages
- Des filières dévalorisées et affaiblies, qui manquent de perméabilité. Les élèves sont "enfermés" dans une voie. Le projet présenté prévoit un passage possible à tous les niveaux entre les trois filières VSB (prégymnasiale), VSG (entre deux) et VSP (préprofessionnelle), pour "dédramatiser la sélection". La VSO change de nom pour devenir une voie menant explicitement à l'apprentissage, avec des exigences plus élevées (impossible de sortir de l'école sans avoir fait de l'allemand ou de l'anglais).
- Un cercle vicieux de baisses d'exigences qui mène à une baisse des connaissances
- La disparition progressive et volontaire des classes de développement ou à effectifs réduits ("R")
Les initiants expliquent ensuite ce qu'ils veulent. Ce ne sera pas une révolution, puisque "les structures actuelles de l'école sont bonnes." Par contre, ils souhaitent imposer un débat public et obtenir, après votation, une école "en adéquation avec le peuple." Ainsi, "'école a été confisquée aux parents et aux enseignants par les experts en pédagogie", affirme Jean-François Huguelet, de l'AVEC. Leur projet est surtout pédagogique: il s'agit d'utiliser prioritairement des pédagogies "explicites", où les connaissances sont placées au centre. Le contraire du socio-constructivisme, qui "n'est possible que dans des petites classes et avec deux enseignants". L'initiative prévoit d'inscrire dans la loi une nouveauté, la "liberté pédagogique" pour l'enseignant. N'est-ce pas contradictoire? En fait, explique Pierre Tharin, le résultat compte. Les enseignants peuvent user des outils pédagogiques de leur choix, aussi longtemps que leurs élèves atteignent le niveau d'exigence requis à la fin de chaque année.
Le point qui va faire débat: introduction d'un système unifié d'évaluation sur toute la scolarité, du primaire au secondaire II. Donc fini les "AA" ou "LA", place aux notes. Le seuil de suffisance est inscrit dans la loi, c'est 4 sur 6. J'apprends qu'aujourd'hui, un élève qui a 3 sur 6 en allemand, en maths et en français peut être promu...
Pourquoi lancer cette initiative maintenant? Le succès remporté au bout du lac (initiative de l'ARLE, acceptée par le peuple genevois il y a un an), mais aussi une lassitude certaine envers le DJFC.
Le texte a été déposé ce matin, et les initiants ont jusqu'au 25 janvier 2008 pour récolter 12000 signatures. Malgré le manque de slogans frappants, cela ne devrait pas être difficile. En cas de succès, la filière unique, qu'approuve Anne-Catherine Lyon, passera définitivement à la trappe. Même si les initiants ne souhaitent pas "allumer la guerre scolaire", cela se produira inévitablement.
Pour les lecteurs courageux, voici le texte de la nouvelle loi scolaire souhaitée par les initiants, commenté par leurs soins.
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