L’enseignant vaudois Jean-Blaise Rochat s’adresse aux parents de ses élèves. Tendre, drôle, décapant et grave.
«Monsieur, vous pouvez me signer votre livre?» Julie tend l’ouvrage à son professeur de français et d’histoire, Jean-Blaise Rochat, qui vient de publier une "Lettre aux parents de mes élèves". En ce premier matin ensoleillé de vacances d’été, devant un bâtiment du collège de Bussigny (ouest de Lausanne), quatorze adolescents de la classe de 8VSB1 sont venus poser avec leur enseignant, pour L’Hebdo. Personne ne les y a obligés, une preuve de l’affection qu’ils lui portent.
Le livre de Jean-Blaise Rochat, 56 ans dont 30 d’enseignement, n’est pas banal. Il se compose aux deux tiers d’histoires vécues, de «croquis pris sur le vif» dans les classes, sous le titre de Juvenilia. En creux, il en émane un doux portrait de l’adolescence, entre mots d’enfants et soucis d’adultes. Ces lignes parfois graves ont paru dans La Nation, le journal de la Ligue vaudoise, dont l’auteur est le rédacteur responsable, et le correcteur, depuis bientôt vingt ans. Ce mouvement fédéraliste et conservateur soutient l’initiative populaire Ecole 2010, sur laquelle les Vaudois s’exprimeront le 4 septembre. Un texte auquel s’opposent les radicaux, les socialistes et les Verts, adeptes d’une nouvelle loi sur l’enseignement obligatoire (LEO) proposée sous forme de contre-projet.
Malgré ce contexte électrique, Jean-Blaise Rochat n’a pas écrit un brûlot politique, et cela lui va bien. Comme pour brouiller les idées reçues, il suggère même d’ajouter des heures... de travaux manuels et de dessin pour pallier les déficiences en orthographe des élèves. Et au détour d’une page, le lecteur découvre que l’essentiel du métier «s’acquiert au jour le jour avec beaucoup d’amour et un peu de désinvolture».
L’autre partie du livre s’adresse aux parents. Entre ses considérations sur la pédagogie, des souvenirs de ses maîtres et un beau chapitre sur Felix Mendelssohn, le professeur énumère ce qui le tracasse. Comme la perte des humanités, «laminées, dans une société qui privilégie la science et l’économie: apprendre le latin est considéré comme un loisir superflu».
Une partie plus polémique concerne le «partenariat école-parents», une notion qu’il abhorre. «Tout le monde a l’impression d’être compétent en matière pédagogique, sous prétexte d’avoir été à l’école, affirme-t-il. Je ne me mêle pas de la façon dont le photographe ou le journaliste font leur travail.» L’auteur souhaite que chacun reste à sa place, en écrivant: «De même que je ne suis pas le papa de vos enfants, vous n’êtes que partiellement le prof de vos enfants.»
Qu’ils soient en 8e, en 9e ou en 10e, Jean-Blaise Rochat maintient une grande ambition pour sa soixantaine d’élèves. «Si vous leur donnez à lire des textes de qualité, ils sentent que vous ne vous moquez pas d’eux, même s’ils s’y cassent les dents.» Ainsi, Le colonel Chabert de Balzac figure parmi leurs devoirs d’été. Grand amateur de musique, ce professeur heureux enrichit son enseignement avec des œuvres d’art et des extraits sonores, remportant un succès variable auprès des adolescents: «Il faut dire que ce qui passe dans leurs écouteurs est horriblement bruyant!», sourit cet amateur de paisibles randonnées en montagne.
«Lettre aux parents de mes élèves». Cahiers de la Renaissance vaudoise No 149, 137 p.
Paru dans L'Hebdo du 7 juillet 2011
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