Episode 5 Ce matin, visite du "Cégep du Vieux Montréal", dit "Le Vieux". Soit un "Collège d'enseignement général et professionnel", qui compte 6000 personnes en formation (dites "cégepiens"), de 17 à 45 ans.
"Le Vieux" se situe dans un quartier un peu "tough" (dur), comme nous le glisse Lise, notre guide. Devant le bâtiment, de nombreux adolescents papotent, clope au bec. A l'intérieur, des affiches invitent à voter pour le "bureau exécutif", soit élire des étudiants pour défendre leurs intérêts à la direction de l'établissement. Ambiance très militante.
Pour éclaircir un peu, voici un petit topo sur le système scolaire québecois, et les "cégep", cette particularité (et fierté) québecoise. Il en existe 48 dans la Province, dont cinq anglophones. Après 6 ans d'école primaire et cinq de secondaire, les élèves peuvent accéder à ces structures. Les études y durent deux ans pour ceux qui souhaitent accéder aux formations tertiaires (universités) et trois ans pour ceux qui suivent des "programmes" (cursus) techniques, et qui se destinent à entrer sur le marché du travail, à l'âge de 19 ans. En fait, un pot-pourri entre le secondaire II (lycée, collège, gymnase) et une école professionnelle (qui remplace l'apprentissage, tel que nous le connaissons).
Ce mélange à nos yeux ahurissant donne, sous un même toit, 45 programmes. Sciences humaines, arts, soins infirmiers, architecture, génie mécanique, électronique, photographie, éducation à l'enfance, travail social, comptabilité, danse, design, céramique et même lutherie! Certains cours sont d'ailleurs communs à plusieurs filières.
Pour entrer au Cégep, il faut posséder un DES, soit un diplôme d'études secondaires. 38 % des jeunes ne l'ont pas! C'est pourquoi ils ont la possibilité, pendant les dernières années du secondaire, de suivre une formation professionnelle pour entrer au plus vite sur le marché du travail, vers 16 ou 17 ans.
L'adolescent qui souhaite intégrer un Cégep choisit un "programme" de formation. Une sélection s'opère sur dossier à l'entrée: certains cursus rencontrent beaucoup de succès et comptent peu de places. Par exemple, le "dessin animé" offre 80 places et reçoit 600 demandes. Partout au Québec, les Cégep "collent" à l'économie locale. Ainsi, certains établissements offrent des formations en foresterie ou en aéronautique. Le but: maintenir les jeunes dans les régions et éviter l'exode vers les villes. Quand la formation devient un outil d'aménagement du territoire…
A la sortie, les Cégep décernent des "diplômes d'études collégiales". Ces structures doivent répondre à la peste du Québec: le décrochage scolaire. A l'adolescence, des jeunes, en majorité des garçons, abandonnent tout simplement l'école. "Garder les enfants au Cégep, c'est gratuit, c'est déjà ça pour les parents", annonce sans fard Evelyne Foix, directrice générale du Cégep international. Il s'agit de consolider le choix de la voie de formation future, et de servir de cocon entre deux systèmes scolaires.
Le brassage des filières doit aussi empêcher des fissures sociales: les enfants de cadres à l'université, les autres dans les filières techniques. "Nous sommes obsédés par le métissage", ajoute Evelyne Foix. Signe de cette volonté de ne laisser personne sur le bord de la route, chacun des programmes professionalisants (techniques) du "Vieux" affiche son taux de placement, c'est-à-dire la proportion de jeunes ayant trouvé un emploi et le salaire annuel moyen, DEC en poche. Pour "technologie de l'architecture", cela donne 94 % et 25409 $ CAN. Une transparence surprenante à nos yeux. Mais banale pour les parents canadiens, habitués à "magasiner" les écoles. Les "Cégep" pratiquent l'ouverture totale, et les adultes peuvent venir les visiter avant d'y placer leurs rejetons. Imaginez cela en Suisse…
J'ai tenté les questions habituelles, mais il semble que la question de la violence ne figure pas parmi les soucis des enseignants. Une visite très surprenante, dans un cadre unique.
Toutefois, au Québec, le débat sur la suppression des Cégep et leur remplacement par une année supplémentaire d'école secondaire et une autre d'université existe. Dans les autres Provinces, cette structure est regardée comme une bizarrerie.
Par David Spring
PS: j'ai piqué les photos ici. Si vous voulez creuser davantage le sujet, je peux vous envoyer un fichier PowerPoint de présentation de l'école, qui grouille de chiffres. Ecrivez-moi.
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